L’intelligence artificielle est partout, et ces derniers mois, on assiste à une explosion des contenus générés par IA. Mais est-ce que tout ça a vraiment du sens ? Est-ce qu’on ne perd pas en authenticité ?
J’ai eu l’occasion d’échanger sur le sujet récemment avec Fabrice Arades dans Tech’N Prod et un exemple m’a particulièrement frappé : la bande-annonce du film Armored, doublée en français avec une voix de synthèse générée par IA. L’idée partait d’un problème concret : le comédien Alain Dorval, voix mythique de Sylvester Stallone en France, est décédé en février 2024. Plutôt que de choisir un autre doubleur, la production a tenté une expérience avec Eleven Labs pour recréer sa voix artificiellement.
Le résultat ? Une voix techniquement similaire, mais plate, sans émotion, sans ce grain qui fait toute la différence. C’est là que l’IA montre ses limites : elle sait imiter, mais elle ne sait pas ressentir.
🔴 L’émotion, le maillon faible de l’IA ?
C’est une question qui revient souvent. Pourquoi les contenus générés par IA sonnent souvent faux ? Tout simplement parce que l’émotion humaine ne se résume pas à une suite de mots bien placés. Les hésitations, les inflexions naturelles, l’intention derrière les phrases… tout ça, l’IA a encore du mal à le capter.
Prenons un autre exemple : la publicité de Noël de Coca-Cola. La version de l’année dernière, tournée avec de vrais acteurs et des décors réels, fonctionnait parfaitement : elle nous replongeait instantanément dans notre enfance. Cette année, ils ont tenté une version full IA. Résultat ? Un Père Noël sans âme, une animation qui manque de chaleur et un message qui ne touche pas.
L’IA peut produire des contenus bluffants, mais sans intervention humaine pour affiner, enrichir et adapter, on se retrouve souvent avec quelque chose d’artificiel… et d’oubliable.
🔴 Faut-il avoir peur de l’IA ?
Le débat ne date pas d’hier. L’IA est un outil, pas une menace. Tout dépend de la manière dont on l’utilise. Luc Julia, l’un des créateurs de Siri, explique d’ailleurs que “l’intelligence artificielle n’existe pas”. En réalité, il s’agit simplement d’un système qui exécute des tâches en fonction de ce qu’on lui a appris.
L’anecdote est savoureuse : une voiture autonome testée à San Francisco avançait… puis s’arrêtait tous les mètres. Les ingénieurs ont découvert qu’un homme marchait à côté avec un panneau “STOP” dans les mains. La voiture voyait le panneau, appliquait la règle bêtement et s’arrêtait. Là où un humain aurait compris qu’il ne fallait pas en tenir compte, l’IA a strictement exécuté l’ordre d’arrêt au stop.
On pourrait résumer ça ainsi : l’IA est ultra-efficace… tant qu’elle ne rencontre pas un contexte qu’elle ne comprend pas.
🔴 Et pour la création de contenus, on en fait quoi ?
Aujourd’hui, des outils comme ChatGPT, Midjourney, RunwayML ou Eleven Labs permettent de générer du texte, des images, des vidéos et du son en un clin d’œil. Mais est-ce que ça veut dire que tout le monde peut devenir réalisateur, graphiste ou doubleur du jour au lendemain ? Pas vraiment.
Si on prend la vidéo qui tourne derrière moi dans mon studio, elle a été générée avec Midjourney, puis affinée dans Photoshop et After Effects pour lui donner plus de réalisme. L’IA m’a permis de créer une base que je n’aurais jamais pu produire seul… mais j’ai dû intervenir pour que le rendu final soit exploitable.
C’est ça la clé : utiliser l’IA comme un accélérateur de création, pas comme une finalité.
🔴 Vers une mutation des métiers ?
Revenons au doublage de Armored. Si l’IA est capable de cloner une voix, de traduire en temps réel et de synchroniser les lèvres, quel avenir pour les comédiens de doublage ?
Une hypothèse intéressante serait que les doubleurs deviennent des “metteurs en scène de voix synthétiques”. Ils enregistreraient leur jeu avec toutes les émotions nécessaires, puis une IA viendrait appliquer la texture vocale du comédien d’origine. On garderait l’authenticité du jeu humain tout en bénéficiant de la puissance des technologies vocales.
Les comédiens doublage sont d’ailleurs en première ligne sur cette question. Leur association Les Voix milite activement pour encadrer l’usage de ces technologies sous le hashtag #TouchePasAMaVF.
🔴 Conclusion : outil ou menace ?
Comme dans les années 2000, où l’on se demandait si une marque devait avoir un site internet, la question du métavers et des IA génératives va s’imposer dans les années à venir. L’enjeu, ce n’est pas de tout rejeter en bloc, mais de comprendre comment ces outils peuvent servir la création… sans la dénaturer.
Et vous, vous en pensez quoi ? L’IA est-elle un allié ou un danger pour la création de contenus ?
